VOISINS ÉPHÉMÈRES
C’est l’hiver, je passe par la porte d’Aubervilliers comme très régulièrement. Un camp de fortune est installé sur une étroite bande de pelouse qui longe l’embouchure d’entrée. Je décide de rendre visite à ces nouveaux voisins éphémères. L’accueil est méfiant.
Une fois les présentations faites, on finit par me laisser entrer et une ribambelle d’enfants vient à ma rencontre. J’ai un appareil photo entre les mains, un vieux Nikkormat qui attire l’attention. Je leur propose de les prendre en photo. Ils acquiescent. Étonnés de ne pas voir apparaître l’image prise au dos du boîtier, je leur explique que je reviendrais bientôt leur apporter les tirages.
J’y suis retourné. Les photos que je leur offre sont en Noir&Blanc ce qui crée l’étonnement général. Les rencontres se sont succédées. Nous faisons connaissance, comme des voisins. Cette douzaine de familles vient de Roumanie, ils sont là depuis 6 mois.
Après 4 mois de visites régulières, je leur promets que la prochaine fois, j’apporterais enfin des pellicules couleurs. Tout le monde est ravi et nous nous réjouissons ensemble de notre prochaine rencontre.
Muni de ces tant attendues pellicules, je me dirige un beau matin vers le camp. Ce sont les bulldozers de la ville et ses ouvriers qui m’accueillent, De nos rires et de nos échanges de voisinage, il ne reste rien. Je décide de ranger mes pellicules couleurs. Le Noir&Blanc captera donc cette dernière rencontre fantôme avec le camp de la Porte d’Aubervilliers.
Marco Cohen